Bernard Graciet travaille pour une multinationale d’agrofourniture et a rédigé cette note sur la question agricole africaine à notre demande. Il est ouvert à un dialogue sur ces thèmes, y compris sur les nouvelles technologies, notamment OGM (Organismes Génétiquement Modifiés).
Depuis la nuit des temps, l’homme a lutté pour arracher à la terre sa subsistance. Ce n’est qu’à partir du milieu du XXème siècle que l’ensemble du monde occidental a pu sans discontinuer, grâce à une meilleure connaissance de la biologie, atteindre puis dépasser l’auto suffisance alimentaire.
La révolution verte des années 70 a permis à l’Asie de produire suffisamment de nourriture grâce à une spectaculaire augmentation de la productivité des cultures de blé et de riz. Pendant ce temps, l’Afrique est globalement restée à l’écart et la production alimentaire locale n’a pu répondre à la demande croissante de produits de base tels que blé, riz, maïs, manioc, soja et autres cultures oléagineuses.
Malgré un vaste potentiel, 19 milliards de $ de nourriture sont importés chaque année sur ce continent, et plus de 200 millions d’africains, soit un cinquième de la population, souffrent de malnutrition (Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation/FAO).
Cette crise s’est aggravée en 2008 avec la pénurie mondiale de grain due à un plafonnement des rendements et à la sécheresse qui a sévi en de nombreuses régions du globe.
Ce brutal réveil de la « peur de manquer » dans les pays développés a fait prendre conscience au monde qu’il avait négligé de poursuivre les efforts de recherche et développement qui avaient, pendant 30 ans, assuré une progression régulière des rendements.
Depuis un an, beaucoup a été dit sur ce problème, mais en réalité peu a été fait, et il est clair que sans un effort massif d’augmentation de la production, la crise reviendra, durable et profonde, particulièrement dans les pays en voie de développement.
Selon la FAO, pour nourrir les 2,5 milliards d’habitants supplémentaires que le monde comptera en 2050, plus le milliard de mal nourris existant actuellement, la production agricole devra doubler. Ceci prend en compte l’augmentation du niveau de vie de grands pays asiatiques dont la demande en nourriture progresse rapidement.
Dans ce contexte, déjà en 2007 la FAO estimait que la population souffrant de malnutrition en Afrique subsaharienne était aux alentours de 200 millions de personnes. La situation en 2009 n’a pu qu’empirer, suite à la crise économique et financière.
Nous pensons que l’Afrique a un potentiel de développement exceptionnel et qu’il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse nourrir correctement sa population présente et future.
Avec 500 millions d’hectares cultivables, l’Afrique a un potentiel agricole plus important que la surface totale de l’Union Européenne. Par ailleurs beaucoup de ces terres sont encore peu ou pas exploitées, par exemple en Ethiopie et Tanzanie. Les réserves d’eau sont certes inégalement réparties, mais certains pays pourraient produire beaucoup plus en utilisant mieux leurs réserves hydriques.
Nous avons donc une vision très positive du potentiel de développement agricole du continent africain.
L’Afrique présente des situations très contrastées, de magnifiques exemples de réussite agricole sont notables, à côté de reculs significatifs. Certains pays qui étaient auto-suffisants en alimentation il y a 40 ans sont maintenant importateurs nets de nourriture.
Les causes principales du retard de certains pays africains en agriculture sont, à notre avis :
Pour développer l’agriculture en Afrique, le développement de technologies d’avant-garde n’a pas à être la première priorité.
Contrairement au point de vue de certaines organisations internationales, nous pensons que sur un continent où le rendement en grain est seulement un cinquième de la moyenne atteinte dans les pays développés ou émergents, les technologies existantes ayant fait leurs preuves depuis longtemps sont tout à fait suffisantes pour créer une vraie révolution en matière de rendement. Plutôt que de faire de la recherche complexe et futuriste, il convient de mettre en place :
Tout ceci n’est pas un « modèle agricole d’une multinationale ». Cette liste d’actions n’est que de la logique de bon sens, et son non respect est à l’origine de la majorité des échecs.
Ne pas accepter les lois de la nature et donc les principes de base de la production agricole ne peut être dû qu’à l’ignorance ou à l’idéologie.
Nous pensons qu’avant de mettre davantage de terres en culture, il convient de faire produire des récoltes normales aux hectares actuellement en production. Ce n’est ensuite que dans un deuxième temps que le passage à des technologies de pointe pourra se justifier.
Par ailleurs, une réflexion s’impose à propos de la gestion du foncier, sans pour autant porter atteinte à la culture africaine (sens de la communauté). Il convient également de réfléchir, au niveau politique, à des mécanismes de protection des marchés qui sécurisent les prix, peut-être sur le modèle de la Politique Agricole Commune (PAC) européenne.
Bernard Graciet